La clé de voûte d’une formation réside dans la définition de ses objectifs. Ceux-ci découlent des besoins identifiés et sont construits en lien avec les indicateurs d’évaluation. Ils facilitent ensuite la construction du programme de formation. Il est important de considérer trois types d’objectifs :
- Les objectifs de changement (dit aussi « stratégiques ») : une formation en promotion de la santé poursuit un ou des objectif(s) de changement à un niveau plus large que la formation. Il(s) répond(ent) à la question : Au service de quel(s) grand(s) objectif(s) de la structure commanditaire ou du territoire la formation est-elle organisée ? En promotion de la santé, les objectifs de changement incluent généralement des enjeux autour des déterminants en santé ou des inégalités sociales de santé.
Exemple : améliorer l’accès à une alimentation saine et durable aux familles fréquentant un centre social, renforcer les réseaux d’acteurs locaux sur le thème de la nutrition…
- Les intentions pédagogiques : elles correspondent aux objectifs du formateur ou de la formatrice, autrement dit à ce qu’il ou elle attend des séquences et des situations pédagogiques mises en place. L’intention pédagogique ou les intentions pédagogiques répond(ent) à la question : Qu’aimeriez-vous voir changer ou évoluer après la formation ?
Exemple : développer la connaissance des structures et des organismes ressources sur le territoire qui travaillent en faveur d’une alimentation saine et durable
- Les objectifs pédagogiques : les objectifs pédagogiques identifient les compétences que la formation doit permettre de développer ou de renforcer, autrement dit, ce que chaque participant·e sera capable de faire à la fin de la formation. Ils répondent à la question : À l’issue de la formation, quelles sont les connaissances, les capacités, les comportements ou les gestes que les apprenant·es auront acquis ?
Quelle est la différence entre une intention et un objectif pédagogique ?
À la différence d’une intention pédagogique, un objectif pédagogique est mesurable et peut être évalué pendant/à la fin de la formation.
Exemple : l’objectif « être capable d’utiliser des techniques actives dans ses animations » pourra s’évaluer par une mise en situation au cours de laquelle les apprenant·es devront mettre en pratique une ou des technique(s) d’animation devant le reste du groupe.
« Favoriser la dynamique de groupe », « sécuriser les apprenant·es » ou « les amener à travailler sur leurs représentations » ne constituent donc pas des objectifs pédagogiques. Ce sont des intentions pédagogiques du formateur ou de la formatrice.
Découvrons trois règles essentielles pour définir un objectif pédagogique :
1 – Un objectif pédagogique commence par un verbe d’action.
2 – Un objectif pédagogique a cinq composantes. On dit qu’il est SMART : Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temporel (défini dans le temps). Certaines structures lui ajoutent un -E : écologique (respectueux de critères environnementaux).
3 – Un objectif pédagogique est associé à un ou des critère(s) d’évaluation. Un objectif pédagogique bien formulé permet d’identifier facilement des critères et des indicateurs d’évaluation.
Pour choisir votre objectif pédagogique, vous pouvez vous appuyer sur la taxonomie de Bloom ci-dessous, indiquant différents niveaux d’acquisition, et y associer des verbes d’action :

Un enjeu en promotion de la santé : réduire les inégalités sociales de santé (ISS)
Les inégalités sociales se réfèrent à des différences de traitement entre différentes strates de la société, en termes de statut économique, d’accès aux ressources, d’éducation, de santé, de pouvoir, d’influence politique… Les inégalités sociales de santé (ISS) ont un impact important sur la santé des individus. Les communautés défavorisées sur ces facteurs ont souvent une moins bonne santé et une espérance de vie plus courte que les populations plus aisées. La promotion de la santé doit donc s’attaquer aux inégalités sociales de santé (ISS) pour garantir que tous les individus aient un accès égal aux opportunités et aux ressources nécessaires pour maintenir leur santé et leur bien-être. Cela peut inclure des politiques visant à réduire les inégalités de revenus et de richesse, à améliorer l’accès aux soins de santé pour les communautés défavorisées, à promouvoir l’éducation et la formation professionnelle et à favoriser la participation active des communautés à la prise de décision en matière de santé. En formation, cela se traduit par des objectifs visant à sensibiliser à cet enjeu.
La place des déterminants de la santé
En promotion de la santé, les déterminants de la santé constituent un socle d’analyse incontournable et invitent à une vision systémique des enjeux de santé. Ainsi, une formation de promotion de la santé intègre très souvent des objectifs qui vise à mieux connaitre les déterminants et à faire réfléchir aux manières d’agir sur ces déterminants qui sont présentés dans le schéma suivant.

Les manières de prendre en compte les déterminants de la santé et particulièrement les déterminants structurels et environnementaux nécessitent un outillage des professionnels autour de plusieurs dimensions :
- Encourager la recherche et l’évaluation : La recherche et l’évaluation sont essentielles pour comprendre l’impact des interventions en promotion de la santé sur les inégalités sociales de santé. La formation en promotion de la santé peut encourager à développer les compétences en recherche du groupe, en lui fournissant des outils et des méthodes pour mesurer l’efficacité des interventions.
- Adopter une approche critique et réflexive : Les inégalités sociales de santé sont le résultat de processus sociaux complexes et sont souvent profondément ancrées dans les structures sociales. Il est donc important que la formation en promotion de la santé adopte une approche critique et réflexive, qui remette en question les normes sociales et les pratiques dominantes et explore les racines des inégalités sociales de santé.
- Prendre en compte les contextes locaux : Les inégalités sociales de santé peuvent varier considérablement selon les contextes locaux. La formation peut permettre de développer une plus grande connaissance de ces enjeux. Elle peut s’appuyer sur ce que disent les acteurs·trices, les publics, les rapports…
- Favoriser la participation et l’autonomisation des communautés : Les communautés les plus touchées par les inégalités sociales de santé doivent être impliquées dans la conception et la mise en œuvre des interventions en promotion de la santé. La formation peut contribuer à encourager la participation et l’autonomisation des communautés, en aidant les professionnel·les à identifier leurs propres besoins et ceux de leurs publics et à concevoir des interventions appropriées.
- Favoriser la collaboration interdisciplinaire et intersectorielle : Les inégalités sociales de santé sont un problème complexe qui nécessite une approche interdisciplinaire et intersectorielle. Favoriser la collaboration entre différents secteurs (santé, éducation, travail social, etc.) et différentes disciplines (sociologie, psychologie, économie, etc.) doit donc constituer un objectif essentiel des formations.
Toutes ces dimensions se traduisent alors en objectifs pédagogiques multiples.
Le pouvoir d’agir du groupe comme objectif
En promotion de la santé, l’empowerment ou le développement du pouvoir d’agir est au cœur des approches éthiques et méthodologiques. Les formateurs·trices partent ainsi de l’expertise des individus sur les difficultés qu’ils rencontrent dans leur contexte professionnel. Leur rôle consiste à faciliter l’identification et la formulation de ces problèmes. William Ninacs, à travers ses travaux sur le pouvoir d’agir, a identifié des composants du processus général d’empowerment, parmi lesquels on trouve la conscientisation critique. Pour permettre l’émergence et la construction d’une conscientisation critique, William Ninacs évoque la nécessité « d’une pédagogie qui repose sur le questionnement, voire la remise en question, et qui encourage les individus à trouver leurs propres réponses et solutions. » (Ninacs, 2008, p.78).
Il distingue trois dimensions de cette conscientisation des problèmes :
- La conscience collective (je ne suis pas seul·e à avoir ce problème).
- La conscience sociale (les problèmes individuels et collectifs sont influencés par la façon dont la société est organisée).
- La conscience politique (les solutions passent par un changement social, une action politique).
Ce processus de conscientisation constitue une démarche importante dans les formations de promotion de la santé.